André Fouad
Né le 2 mai 1972 à Port-au-Prince, André Fouad a fait ses études primaires à l'école République du Libéria (Frères du Sacré Coeur,1978-1985) et ses études secondaires au Collège Canado haïtien (1985-1992). Il a étudié tour à tour la comptabilité, le journalisme et la communication. Il a travaillé au journal le Nouvelliste, Récréation Magazine et la Télévision Nationale d’Haïti à titre de présentateur/rédacteur à la section culturelle. André Fouad est l'auteur de 4 recueils de poèmes : GERBE D’ESPÉRANCE en 1992, EN QUÊTE DE LUMIÈRE (1992), BRI LAN NWIT (2000) et ETENSÈL MO'M YO (2006). Ses poèmes figurent dans plusieurs anthologies dont : l'Anthologie de la Littérature Haïtienne, un siècle de poésie (1901-2001), qui a reçu le prix Ouessant 2005 pour le 6ème Salon du Livre Insulaire à Paris (France). Il a reçu un AWARD OF RECOGNITION de la part du maire de la ville de Miami, Alex Penelas, dans le cadre du Mois de l'Héritage Culturel Haïtien en mai 2004. Il a été choisi comme Artiste de la Saison par l'Alliance Française de Miami dans son agenda pour l'année 2005. Il a aussi décroché le 2ème prix dans le cadre d'un concours de poèmes organisé par le journal franco haïtien Haïti Tribune (France ) en janvier 2006. En mai 2007, il a été choisi comme Poète de l'Année pour la 7ème édition du Mois de l'Héritage Culturel Haïtien à Miami, comme poète, diseur et animateur culturel.
Publié le 2018-10-19 | Le Nouvelliste
https://lenouvelliste.com/article/193483/le-spleen-de-lexil-chez-andre-fouad
Le spleen de l’exil chez André Fouad
Le poète et diseur André Fouad vient de sortir « Pyepoudre », son nouveau recueil de poèmes. Paru aux éditions Jebca à New York (USA), ce livre est son cinquième recueil, dont un en français, « Gerbe d’espérance », paru en 1992. Habitué aux prix et distinctions, tant en Haïti que dans le pays d’accueil, les États-Unis d’Amérique, André Fouad offre une nouvelle œuvre qui tend encore à propulser la poésie haïtienne contemporaine, notamment celle d’expression créole.
Préfacé par son frère de plume, le poète Fred Edson Lafortune, lui-même récipiendaire du prix de poésie créole Dominique Battraville 2018, ce recueil est salué pour son message fort, en créole, traduisant la tristesse du voyageur en quête de vie loin de son pays. « Louvri baryè pou powèt André Fouad », titre de la préface du livre, traduit bien la bénédiction du poète à ce texte d’une belle prouesse poétique.
« Pyepoudre » atteste, dès les premiers vers, d’un retour du poète à la source. Il parle du Congo, de Yoruba, de la terre d’origine, non loin du soleil levant. C’est un regard plein d’amertume et de désespoir. Exil, amour, voyage sont autant de thèmes qui dictent la saison qu’il fait chez le poète, aux côtés de la mort qui devient presque ncontournable dans la poésie haïtienne contemporaine.
Le poète signale aussi le regret de celui qui part à la conquête de l’autre. Cette marque de l’exil est omniprésente dans les vers et déambule entre regrets et trahison de la terre hôte.
« … chak wout pa bò isit
Son istwa mele ak regrè…» (p.7)
Tantôt c’est le froid, le climat et les jeux effroyables de l’Occident, à même le soleil qui n’est plus à la portée du poète. André Fouad est le poète à l’élan sagace, parfois il évoque la première personne du pluriel comme pour susurrer la présence d’un tiers, de quelqu’un d’autre, d’un complice :
« … nou reve rèv lavi ansanm
Nou sanble boujon solèy
Nan menm asyèt an katon…» (p.9)
André Fouad sillonne la ville, scrute l’horizon. Ce n’est pas la ville de son enfance ni celle à la portée du rêve. C’est une ville inconnue, d’une cruauté sans pareille, qui ne connaît pas l’humanité de l’homme bon. Les rêves deviennent poussière, anéantis par la surprise des villes sans nom. Néanmoins, le poète a conscience que, du lieu de l’exil, le pays de l’homme a sa part de responsabilité. Ses rues n’arrivent plus à contredire le mal enduré hors de sa terre natale :
« …Lari se pòtvwa tout zandolit nan bwa
Se pòtvwa tout chyen ki lage… » (p.15)
« Pyepoudre » n’est pas une poésie qui offre sa douleur en spectacle. Le manquement du poète est telle une mer agitée. Il le biaise, le calcule, et en fait tout un style, son propre style. Il n’y pas de joie infinie ni de douleur perpétuelle. Tout est agencé dans une logique qui suit le cours de la vie, de la « vraie vie ».
D’une belle modernité, les poèmes, sans transcender la langue créole que le poète laisse de préférence cheminer dans sa traditionnelle quête de notoriété, ne sont pas esclaves de technicité. Poète expérimenté, André Fouad sait retenir son souffle et trouver les mots justes pour dire le mal, son mal. Après, c’est le même poète d’hier, avec tous les jeux de mots qu’on lui connait :
« …twòp mo mò anvakans… » (p.19)
Les mêmes chants et les mêmes fêtes de l’amour.
« …lapli mete m sou kote
Pou li wè janm ri
Pou li wè janm kalennda… » (p.27)
En lisant Fouad, notamment dans ce recueil fleuve, on s’attend souvent à des énoncés, en dehors de sa forte capacité à jouer entre les rythmes et les vers, arrivant à trouver la musique juste pour chaque strophe, mais, ici, le poète s’atténue, il reste dans le chant. André Fouad est diseur. C’est peut-être une des qualités pour y arriver. Car la poésie pour certains est faite pour être dite.
Plus loin, à mesure qu’on termine le recueil, on découvre la transcendance. Celle du poète. Il n’y a pas de poésie sans un brin de folie, selon Fouad. Il y a par contre un bémol avec Gaston Bachelard qui croit de préférence, pour atténuer cette idée de folie, que « la poésie, c’est le langage qui est libre à l’égard de soi-même ». Fouad y trouve en effet son blues :
« … foli m
Son bout powèm ki pa janm ekri
Sou pyès plas piblik…
Foli m
Son pakèt ti pwen ti kwa
De pye kole… » (p.37)
Depuis « Etensèl mo m » en 2006, le poète André Fouad a l’habitude des petites chansons faites avec les villes « Pòtoprens cheri ! Pòtoprens tololo… ». Chansons, rituels vodous, un poème à la hauteur de ses racines.
Le nouveau recueil de poème d’André Fouad, « Pyepoudre », était en signature, le 6 octobre dernier, au Forever Young Adult Health Center, 695 Truman Pkway, Hyde Park MA 020136.
Jean Emmanuel Jacquet, Auteur
https://lenouvelliste.com/article/193483/le-spleen-de-lexil-chez-andre-fouad
Le spleen de l’exil chez André Fouad
Le poète et diseur André Fouad vient de sortir « Pyepoudre », son nouveau recueil de poèmes. Paru aux éditions Jebca à New York (USA), ce livre est son cinquième recueil, dont un en français, « Gerbe d’espérance », paru en 1992. Habitué aux prix et distinctions, tant en Haïti que dans le pays d’accueil, les États-Unis d’Amérique, André Fouad offre une nouvelle œuvre qui tend encore à propulser la poésie haïtienne contemporaine, notamment celle d’expression créole.
Préfacé par son frère de plume, le poète Fred Edson Lafortune, lui-même récipiendaire du prix de poésie créole Dominique Battraville 2018, ce recueil est salué pour son message fort, en créole, traduisant la tristesse du voyageur en quête de vie loin de son pays. « Louvri baryè pou powèt André Fouad », titre de la préface du livre, traduit bien la bénédiction du poète à ce texte d’une belle prouesse poétique.
« Pyepoudre » atteste, dès les premiers vers, d’un retour du poète à la source. Il parle du Congo, de Yoruba, de la terre d’origine, non loin du soleil levant. C’est un regard plein d’amertume et de désespoir. Exil, amour, voyage sont autant de thèmes qui dictent la saison qu’il fait chez le poète, aux côtés de la mort qui devient presque ncontournable dans la poésie haïtienne contemporaine.
Le poète signale aussi le regret de celui qui part à la conquête de l’autre. Cette marque de l’exil est omniprésente dans les vers et déambule entre regrets et trahison de la terre hôte.
« … chak wout pa bò isit
Son istwa mele ak regrè…» (p.7)
Tantôt c’est le froid, le climat et les jeux effroyables de l’Occident, à même le soleil qui n’est plus à la portée du poète. André Fouad est le poète à l’élan sagace, parfois il évoque la première personne du pluriel comme pour susurrer la présence d’un tiers, de quelqu’un d’autre, d’un complice :
« … nou reve rèv lavi ansanm
Nou sanble boujon solèy
Nan menm asyèt an katon…» (p.9)
André Fouad sillonne la ville, scrute l’horizon. Ce n’est pas la ville de son enfance ni celle à la portée du rêve. C’est une ville inconnue, d’une cruauté sans pareille, qui ne connaît pas l’humanité de l’homme bon. Les rêves deviennent poussière, anéantis par la surprise des villes sans nom. Néanmoins, le poète a conscience que, du lieu de l’exil, le pays de l’homme a sa part de responsabilité. Ses rues n’arrivent plus à contredire le mal enduré hors de sa terre natale :
« …Lari se pòtvwa tout zandolit nan bwa
Se pòtvwa tout chyen ki lage… » (p.15)
« Pyepoudre » n’est pas une poésie qui offre sa douleur en spectacle. Le manquement du poète est telle une mer agitée. Il le biaise, le calcule, et en fait tout un style, son propre style. Il n’y pas de joie infinie ni de douleur perpétuelle. Tout est agencé dans une logique qui suit le cours de la vie, de la « vraie vie ».
D’une belle modernité, les poèmes, sans transcender la langue créole que le poète laisse de préférence cheminer dans sa traditionnelle quête de notoriété, ne sont pas esclaves de technicité. Poète expérimenté, André Fouad sait retenir son souffle et trouver les mots justes pour dire le mal, son mal. Après, c’est le même poète d’hier, avec tous les jeux de mots qu’on lui connait :
« …twòp mo mò anvakans… » (p.19)
Les mêmes chants et les mêmes fêtes de l’amour.
« …lapli mete m sou kote
Pou li wè janm ri
Pou li wè janm kalennda… » (p.27)
En lisant Fouad, notamment dans ce recueil fleuve, on s’attend souvent à des énoncés, en dehors de sa forte capacité à jouer entre les rythmes et les vers, arrivant à trouver la musique juste pour chaque strophe, mais, ici, le poète s’atténue, il reste dans le chant. André Fouad est diseur. C’est peut-être une des qualités pour y arriver. Car la poésie pour certains est faite pour être dite.
Plus loin, à mesure qu’on termine le recueil, on découvre la transcendance. Celle du poète. Il n’y a pas de poésie sans un brin de folie, selon Fouad. Il y a par contre un bémol avec Gaston Bachelard qui croit de préférence, pour atténuer cette idée de folie, que « la poésie, c’est le langage qui est libre à l’égard de soi-même ». Fouad y trouve en effet son blues :
« … foli m
Son bout powèm ki pa janm ekri
Sou pyès plas piblik…
Foli m
Son pakèt ti pwen ti kwa
De pye kole… » (p.37)
Depuis « Etensèl mo m » en 2006, le poète André Fouad a l’habitude des petites chansons faites avec les villes « Pòtoprens cheri ! Pòtoprens tololo… ». Chansons, rituels vodous, un poème à la hauteur de ses racines.
Le nouveau recueil de poème d’André Fouad, « Pyepoudre », était en signature, le 6 octobre dernier, au Forever Young Adult Health Center, 695 Truman Pkway, Hyde Park MA 020136.
Jean Emmanuel Jacquet, Auteur